Pierre-Louis nous raconte sa montagne
10 janvier 2024Au cœur des montagnes majestueuses, dans le pittoresque village de La Grave La Meije, nous rencontrons un véritable amoureux des cimes, un gamin du pays, Pierre-Louis Cret, surnommé affectueusement Pilou. Ce skieur passionné a tracé son chemin dans l’univers du ski avec une détermination sans faille. Affilié au club des sports de La Grave, Pilou s’est distingué par sa passion contagieuse pour le freeride, bien loin des compétitions de piquet qui caractérisent souvent le monde du ski. Plongeons dans l’histoire captivante de ce skieur intrépide, de ses premières descentes dans les vallons à sa quête de perfection sur les pentes vertigineuses des Alpes.
“ On se faisait pulvériser sur les compétitions régionales, mais on était sûrement les plus heureux d’aller skier parce qu’on faisait pas que du piquet, on skiait toute neige et tout terrain ”
Enfant du pays, c’est les rues de Villar d’Arène qui l’ont vu grandir. Fervent protagoniste du club des sports de La Grave, on regroupe plusieurs années d’âge pour avoir une dizaine d’enfants. Ici, “on faisait moins de piquet que dans les grosses stations” beaucoup n’ont d’ailleurs pas intégré la section ski étude au collège, en revanche le ratio de plaisir était décuplé dans une organisation plus souple, plus “freeride”.
La première dans les Vallons
Depuis petit, il partait skier avec lui et certains de ses clients sur les itinéraires qui lui étaient accessibles.
“Je ne me rappelle pas exactement de ma première descente dans les vallons, je me souviens seulement avoir voulu en faire une deuxième et m’être endormi dans les bennes en remontant”.
Naturellement, dès l’âge de 20 ans, il s’investit pour passer son diplôme de guide de haute montagne qu’il souhaite exercer… à La Grave !
Sa relation privilégiée avec la montagne
“La montagne c’est mon environnement de prédilection”. Les années et le temps passé, aussi bien hiver qu’été, au milieu des sommets ont enseigné les lois qui incombent à ce milieu sauvage. C’est la montagne qui décide, elle est plus forte que nous. L’éducation dès le plus jeune âge à toujours été faite dans ce sens là, “quand nos parents nous laissaient aller skier tout seul, on avait plusieurs conditions à respecter”.
Une belle performance au Derby de la Meije
En 2019, Pilou arrive 2eme scratch au Derby de la Meije. À la suite de ça, ce fût le début des partenariats avec différentes marques. Skier avec des sponsors c’est autre chose, on ne ski plus que pour soi, on apporte une dimension plus médiatiques aux performances. C’est à partir de ce moment-là que notre skieur local s’est inscrit à des compétitions freerides type Qualifiers. Les différentes épreuves ont lieu sur le continent Européen ; la France, l’Italie, la Suisse, l’Autriche mais également dans d’autres pays ; le Japon, la Chine, les USA… Intégrer ce niveau de compétition demande donc énormément d’investissement, autant sur le point personnel que financier. Il faut se libérer, se déplacer, être régulier dans les performances.
“Je suis beaucoup tombé parce que je voulais skier au dessus de mon niveau, on fait une seule descente dans la journée en s’imposant les critères qui plaisent aux juges, je sentais que je n’avais pas le même degré de plaisir que quand je skiais pour moi ou avec les copains, c’était frustrant”.
L’entrée en formation pour obtenir le diplôme de guide a fini de faire pencher la balance : se blesser n’était pas une option !
Une journée parfaite pour Pilou
Ce qui anime le jeune skieur c’est le jeu d’adaptation. Préparer sa journée la veille, prendre en compte tous les paramètres tels que la neige, la météo, le sens du vent, l’orientation des faces, jouer et ajuster ses choix à la nature pour profiter de ce qu’elle a de meilleur à offrir. Rien de plus gratifiant que de transpirer à la montée pour être récompensé par une descente avec toutes les conditions réunies.
“Je crois que mon meilleur souvenir c’était l’hiver du Covid, il n’y avait aucune remontée mécanique, c’était aussi notre premier hiver en coloc, personne ne travaillait, on skiait un maximum, on faisait entre 1000 et 2000 de dénivelé positif par jour. On se levait tôt, on rentrait tôt, on faisait des lignes de dingues jusqu’à la fin de l’hiver. De belles conditions, de la neige qui collait bien en face raides, on a pu faire les Agneaux, le col Clair, la Ginelle, Saint-Antoine, les Pans de Rideaux, le tour de la Meije avec une nuit au Chatelleret en partant directement de la maison et en revenant à la maison, c’était exceptionnel.”
Son itinéraire phare
Sans surprise puisque c’est un sommet qui répond à tous les critères de polyvalence possibles : un départ à 2000m d’altitude pour un enneigement maximum, un accès face nord et une possibilité de basculer en face sud pour trouver de la neige de printemps. La face est plus longue sans être trop engagée, et surtout on se retrouve avec plus de descente que de montée, le choix est vite fait !
Un automne haut en couleur avec deux films sortis !
Le film a été réalisé en collaboration avec Joe Vallon (figure locale) autour du Y, un couloir mythique et engagé à La Grave. L’objectif est de mettre en lumière la transmission des savoirs de génération en génération, l’esprit de partage propre aux grands skieurs qui n’ont plus leurs preuves à faire. La première fois dans le Y pour Pierre-Louis, et la trentième pour Joe… L’accès au couloir en question est complètement tributaire des conditions d’enneigement, avec le retrait glaciaire et le faible enneigement le couloir devient de plus en plus raide et plus long… On vous laisse regarder le film pour découvrir la suite !
Un film à l’image de la nouvelle génération de “skibum” du canton. Historiquement les ski bum étaient littéralement les “clochards” du ski. Plus globalement des pratiquants obsessionnels de ski (ou du snow) avec un minimum de moyens financiers, en mettant de côté tout le reste, le confort matériel, personnel, familial voir hygiénique si la concession était de vivre l’hiver dans un camion pour pouvoir rester en station.
Pour Pilou et sa bande, ça se traduit par un travail acharné le reste de l’année afin de dégager du temps l’hiver. Un équilibre parfois précaire puisque comme il le souligne justement “pour avoir du confort il faut avoir de l’argent, pour avoir de l’argent il faut travailler, et si tu travailles t’as pas le temps de skier. Et si tu skies t’as pas le temps de travailler.”
Si l’hiver dernier les garçons ont fait le choix de rider toute la saison, au retour des beaux jours, il était temps de reprendre le chemin de leurs activités professionnelles respectives pour renflouer les caisses. Cette année pour le futur guide, une telle liberté n’est pas envisageable, le passage du diplôme coûte cher et il faut des fonds. Le compromis s’est établi avec une activité où il a suffisamment de temps entre midi et deux pour aller faire quelques courbes dans son terrain de jeu favori.
Face aux stations de ski qui se modernisent à un rythme effréné en cherchant à attirer toujours plus de chalands, ici on prend le contre pied : un village, un téléphérique, avec tout ce que ça englobe, l’esprit, la proximité, le rythme différent des bars et des commerces locaux, ici pas de quoi sortir en semaine, c’est vendredi ou samedi soir… À la fin du film, on découvre un court aperçu de l’évènement mythique dont nous avons parlé plus haut : le Derby de la Meije. Une course déjantée et freeride où la fête prend autant de place que la course en elle-même. Plusieurs protagonistes du film sont d’ailleurs au cœur de l’organisation et jouent un rôle primordial au bon déroulement du weekend.
Le métier de guide
Certains itinéraires étaient possibles avant mais ne le sont plus aujourd’hui, une fois de plus il faudra jouer avec le terrain, les conditions, et s’adapter.
Le métier de guide est à multiples facettes mais plus particulièrement pour Pilou, devenir guide c’est expliquer la montagne pour permettre d’appréhender la sécurité, aider à tendre vers l’autonomie mais aussi éduquer et sensibiliser à l’environnement qui nous entoure.
Le meilleur souvenir en montagne
“Je pense que c’est le bivouac au sommet du grand Pic de la Meije, pour le coup ce n’était pas en ski mais en alpi. C’est d’autant plus fort parce que j’ai emmené Tommy et Remy la haut. Leur famille tient le refuge Chancel depuis plus de 30 ans. La Meije, pour nous, fait partie du décor de notre vie, on la voit tous les jours. Pour eux c’était la première fois qu’ils allaient au sommet de la Meije, pour moi la seconde. Les conditions étaient dingues, on a eu un coucher et un lever de soleil de folie, on a bu une bière au sommet avec une vue 1000 étoiles. Quand tout s’aligne, que tu vis ce moment exceptionnel, que tu partages l’aventure avec des amis d’enfance, c’est juste unique. On s’en rappellera toute notre vie. Cette ascension, tu peux la faire chaque année, avec des personnes différentes, avec des conditions différentes, tu sais jamais comment ça va se passer, tu ne vivras jamais deux fois la même chose. Pour moi c’est ce qui rend la montagne et les moments qu’on y partage aussi intense.”
Et en dehors de la montagne, qu’est ce qu’on fait ?
“Je fais du vélo, j’adore ça ! Mais je crois que si je ne fais pas de sport, je fais pas mal la fête, je ne sais pas si ça compte comme une passion. Et si je ne fais pas la fête, je fais de la montagne ! Et j’ai aussi une passion pour les chats !”
Un endroit pour boire un coup ?
“Pour moi c’est Chancel, ambiance refuge et convivialité assurées”