La tradition du “Pô Buli”

Chaque année dans les hameaux et villages du Pays de la Meije, on perpétue une tradition ancestrale.
Pain villar d'arene ©itinera magica - patrimoine - que faire à la grave
©Itinera Magica

Il était une fois le pain noir à Villar d'Arène

Autrefois, le pain n’était fabriqué qu’une seule fois par an pour tout le village, et chacun le conservait précieusement toute l’année.

Le bois étant rare, on allumait le four pour une seule et unique fournée : celle du pain annuel. C’était du sérieux : les familles ne pouvaient pas se permettre de rater le pain pour une année entière, au risque de gâcher l’effort, le bois et la farine utilisés. Les querelles étaient mises de côté pour se concentrer sur l’essentiel : la bonne réalisation du pain noir.

Cette tradition unique au canton perdure encore aujourd’hui. Chaque week-end de novembre, juste avant les premières neiges, les hameaux de Ventelon et du Chazelet et le village de Villar d’Arène rallument leurs fours communaux et s’activent pendant plusieurs jours pour perpétuer ce savoir-faire ancestral.

On y prépare, selon une recette inchangée, le fameux pain bouilli, ou « pô buli » en patois.

Chaque année, le four de Villar-d’Arène prend vie grâce à quatre fournées, chacune composée de trois pétrins. Cette tradition rassemble la communauté autour d’un savoir-faire ancestral, où l’organisation est clé pour optimiser l’utilisation du four sans le surcharger.

La fabrication du pain suit un processus rigoureux en quatre étapes principales :

  1. Les levains : Mélange synchronisé à deux avec des bâtons pour assurer une fermentation idéale.
  2. Le pétrissage : Chaque équipe se positionne autour de son pétrin pour façonner la pâte composée seulement de farine de seigle mélangée à de l’eau bouillante, d’où son nom “bouili”. Le pain est salé seulement à la sueur du front des participants. La pâte doit reposer dans l’angle du pétrin le plus proche du poêle central pour qu’elle « lève ».
  3. L’enfournage : Le pain est disposé dans le four au bout d’une longue pelle pour une cuisson uniforme.
  4. Le défournage : Moment attendu où les pains sont retirés.

 

À la tête de cette organisation, le fournier, véritable chef d’orchestre. Il veille à la température du four, et à la qualité des cuissons.

 

En image

Un peu d'huile de coude

Pain Bouilli Villar Arene 2024 (© Patrick DOMEYNE)_35
© P. DOMEYNE

les mains dans la pâte

Une fois que la pâte a suffisamment reposé, elle est découpée à la bêche en grandes portions d’environ 5 kg. Ces imposantes boules passent de main en main dans une belle chorégraphie collective jusqu’à la grande table en bois, où elles sont façonnées avec soin.

Pour distinguer chaque pétrin, les boules de pain sont ensuite marquées d’un motif distinctif, propre à chaque équipe. Ces marques, permettent de les reconnaître facilement une fois sorties du four.

Pain Bouilli Villar Arene 2024 (© Patrick DOMEYNE)_38 © P. DOMEYNE
Avant l’enfournage du pain, les villageois profitent du four traditionnel pour préparer d’autres délices qui s’y prêtent à merveille : pizzas , tourtes aux choux, ravioles … Mais attention, tout cela obéit à des règles bien précises !

Armé de sa pelle au manche interminable, le fournier dispose avec soin les plats et les pizzas, tout en surveillant leur cuisson. Le fond du four, où la chaleur est plus intense, est rempli en premier. Cette zone exige une vigilance accrue pour éviter que les mets ne ressortent carbonisés. Chaque marmite et casserole, est placée avec précision. Hors de question que les couvercles se fassent la malle ! Chaque famille prend soin de marquer sa casserole et de sceller son couvercle avec des fils de fer (et oui, la ficelle ne résiste pas à une telle chaleur).

En plus de régaler les gourmands, cette première cuisson a une fonction technique : elle apporte juste ce qu’il faut d’humidité au four, créant les conditions idéales pour accueillir les pains à venir.

La tradition veut que le repas du lendemain soit partagé en famille autour des plats fraichement cuisinés.

on enfourne

Pain Bouilli Villar Arene 2024 (© Patrick DOMEYNE)_45 © P. DOMEYNE

chaud devant

Après avoir soigneusement surveillé la température du four et l’avoir ravivé si nécessaire, le fournier entre en action.

Une fois ces premiers plats sortis du four, c’est au tour du pain. Chaque geste est précis, car l’espacement et la disposition des pains dans le four ne sont pas laissés au hasard : ils influencent directement la cuisson et l’épaisseur de la croûte. Lorsque chaque miche a trouvé sa place, la porte du four est fermée pour 7h.

Direction le paradis

Après sept heures passées à cuire dans le four, les pains sont défournés un par un. Ils entament alors un nouveau ballet, passant de mains en mains jusqu’au « le paradis, » une pièce située juste au-dessus du four, surnommé « l’enfer. » Dans ce refuge où il fait un peu plus frais, les pains sont disposés pour refroidir lentement. Ce contraste entre chaleur et fraîcheur permet au pain de développer sa croûte dorée et son parfum irrésistible.

Petit plaisir

A la sortie du four la tradition veut que chacun « fasse gauchette » !

Dans la salle des pétrins, une ambiance festive s’installe autour d’une vieille tradition locale : « faire gauchette. »

Une bougie est fixée sur une bouteille de vin vide, et chacun se prête au jeu. On trempe un morceau de pain dans de la gnôle, on le passe rapidement au-dessus de la flamme pour qu’il s’embrase, puis on le mange encore enflammé, avec précaution et bravoure. Ce rituel chaleureux et convivial est l’occasion de partager rires et histoires !

à déguster comme vous voulez

Pain Bouilli Villar Arene 2024 (© Patrick DOMEYNE)_36 © P. DOMEYNE
Pour qu’il se conserve toute l’année, le pain se durcit rapidement après la cuisson.

Autrefois, les anciens avaient leurs astuces : découpé en petits morceaux, il était rangé dans des boîtes en métal et ressorti pour tremper dans la soupe ou dans le lait. D’autres préféraient le « chiquer » à même la croûte, grignotant un morceau pendant les longues journées aux champs.

Aujourd’hui, les enfants du pays, élevés au pain noir, ont chacun leur technique et leur préférence. Certains le coupent à la scie à ruban – frais mais juste assez dur pour éviter qu’il colle. D’autres tranchent soigneusement et congèlent pour le conserver plus longtemps.

Quand est ce qu’on lui fait honneur ? Au goûter avec du miel, à Noël avec du beurre salé et des huîtres… Chacun y va de son astuce. Et vous ? Quelle sera la votre ?

 

Je veux faire une tourte aux choux

Pain Bouilli Villar Arene 2024 (© Patrick DOMEYNE)_185
© P. DOMEYNE

recette de grand-mère

Comme on peut s’en douter, les quantités sont « à l’œil » en fonction du plat utilisé.

Pâte brisée (4 boules) proportion pour une boule

  • 300 g de farine
  • 150 g de beurre froid
  • 2 pincées de sel
  • 65 g d’eau froide

Garniture :

  • Choux crus (quantité généreuse, car ils réduisent à la cuisson)
  • Lardons revenus à la poêle (réservez à part)
  • Oignons revenus à la poêle (réservez à part)
  • 2 bols de crème
  • 2 œufs (varie selon le plat utilisé, voir les conseils)

Conseil pour les proportions crème/œufs :

  • Pour un plat de petite taille, utilisez 1 bol de crème et 1 œuf.
  • Pour un plat plus grand, ajustez les quantités en conséquence.
  1. Préparer la pâte brisée
    • Mélangez la farine, le beurre froid coupé en dés et le sel pour obtenir une texture sableuse.
    • Ajoutez l’eau froide petit à petit et formez une boule de pâte. Répétez pour obtenir 4 boules. Réservez au frais.
  2. Préparer la garniture
    • Émincez le chou cru et prévoyez une quantité généreuse (le chou réduit beaucoup à la cuisson).
    • Faites revenir les lardons et les oignons séparément, puis réservez.
  3. Assembler la tourte
    • Étalez une boule de pâte pour le fond du plat et une autre pour le dessus.
    • Garnissez le fond de la pâte avec les ingrédients : commencez par le chou, ajoutez les lardons et les oignons. Mélangez la crème et les œufs selon les quantités adaptées à votre plat et versez ce mélange sur la garniture.
  4. Fermer la tourte
    • Étalez la deuxième boule de pâte pour couvrir la tourte. Scellez bien les bords pour une parfaite étanchéité. Cela garantit une cuisson optimale avec une vapeur bien retenue à l’intérieur.
  5. Cuisson
    • Suivez les recommandations de votre four ou de votre méthode de cuisson traditionnelle.
  • Attention à la quantité de chou : veillez à en mettre suffisamment, car il diminue beaucoup à la cuisson.
  • Bien sceller la pâte : une tourte hermétiquement fermée donne un meilleur résultat en conservant l’humidité et les saveurs.
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