Devant l’atelier de vannerie de Lucile Bou, un masque en forme de tête d’âne et un panier à fraises ajouré attirent le regard.

Preuve qu’elle maîtrise parfaitement les techniques des objets traditionnels – les incontournables d’une autre époque qui sont peut-être en train de revenir à la mode – mais qu’elle exprime aussi sa créativité au travers d’objets plus originaux. A l’intérieur, défilent mangeoires pour oiseaux, cabas, mannes, paniers à bois, toilettes marseillaises (savez-vous ce que c’est ?) et sacs de pêche qui ne demandent qu’à trouver une nouvelle vocation en tant que sac à main.

 

Dans un coin sont déposées les bottes d’osier – longues, courtes, aux multiples nuances naturelles d’écorce ou au teint clair pour celles qui ont été écorcées.

« C’est du saule, » explique Lucile,

« mais quand on le cultive et le travaille, on l’appelle osier ».

Chaque variété d’osier a une couleur, qui de plus, varie d’une année à l’autre selon les conditions climatiques. S’il y a eu de la sécheresse par exemple, la couleur ne sera pas pareille qu’après une année bien arrosée. Avant de l’utiliser, il faut le laisser tremper deux semaines dans un grand bac d’eau, donc cela demande une certaine organisation. Il faut savoir de quels brins on va avoir besoin, en quel quantité et à quel moment, parce qu’une fois trempés il faut les utiliser assez rapidement. Les brins ne peuvent pas être trempés une seconde fois.

« Finalement », conclut Lucile,

« en tant que vannier on n’a pas besoin de grand-chose à part de l’eau, de la force des bras, d’une serpette et d’un sécateur. Notre empreinte carbone est plutôt faible. »

Tressage osier vannerie Alpes Photographies © Alpes photographies
Il y a 10 ans, Lucile a rencontré un vannier osiériculteur, Patrick Lambert, le père de son copain de l’époque, qui lui a transmis sa passion et ses savoirs. Avant, elle ne savait même pas que ce métier ancestral existait encore.

« Il m’a offert un premier stage pour que je puisse voir ce que c’était et j’ai adoré. J’ai trouvé ça génial de créer de mes mains. Après, j’ai passé du temps dans son atelier et je l’ai même aidé lors de différents stages en tant que support. J’ai continué à travailler dans le social, mais l’idée m’est restée en tête. Il y a deux ans, je me suis dit : C’est ça que j’ai envie de faire ! J’ai envie de partir de la terre, d’un brin naturel et de fabriquer, de créer et aussi de faire perdurer ce savoir qui est en train de se perdre. »

Lucile
Lucile Lou © Vannerie de la Meije
En y pensant, Lucile est émue d’avoir eu la chance de rencontrer cette personne qui a partagé son savoir, qui aujourd’hui lui fait assez confiance pour lui passer des commandes et l’aider à se faire connaître.

Une fois sa décision prise, Lucile a intégré l’École nationale d’osiériculture et de vannerie. Elle y a fait une formation diplômante, un brevet professionnel pour être responsable d’exploitation agricole. Cela lui permettra d’accéder plus facilement à des terres, peut-être même d’avoir des aides, pour un jour s’installer en tant qu’osiéricultrice.

« Je trouve logique de ne pas uniquement travailler la matière mais aussi de la cultiver. Il y a de moins en moins de gens qui cultivent et donc de moins en moins de matière première, donc c’est important de cultiver. »

Pendant qu’elle raconte, Lucile tresse le projet du jour : une corbeille géante qui pourrait accueillir le linge sale d’une famille fort nombreuse mais qui est destinée à présenter des macarons multicolores dans une boutique.

On se rend bien compte qu’il faut une certaine force pour tresser les longs brins qui ne sont pas si souples. Elle s’est fabriqué un siège bas pour ne pas prendre mal au dos. A côté d’elle, il y a un vieux panier tressé par un ancien du village, ce qu’ils appellent ici un panier à pommes de terre, avec un tressage peu serré au fond pour que la terre tombe.

Comme un peu partout en France, les paysans d’ici tressaient les objets dont ils avaient besoin au quotidien.

« Avant le plastique tout était en osier. Mais avec l’arrivée du plastique les paysans se sont dit : Pourquoi s’embêter à fabriquer alors qu’on peut acheter un seau. Je pense que là il y a un retour d’intérêt pour le fait-main, le naturel et le local. Je pense, j’espère, qu’il y a un réveil des consciences sur l’impact des hommes sur notre planète. Les gens se sont aperçus que le plastique ce n’est peut-être pas si fantastique. »

Lucile aimerait renouer avec la tradition locale en proposant des stages de fabrication de ces paniers traditionnels pour les gens du canton, parce qu’elle tient à ce que les savoir-faire ne se perdent pas. L’automne 2019, elle a passé une semaine avec des collègues vanniers chez un homme qui s’approche de la fin de sa vie, parce qu’il est le dernier à savoir fabriquer des nasses de poisson traditionnelles. Elle voulait apprendre ce savoir pour qu’il ne se perde pas et ils ont été plusieurs à se réunir pour pouvoir ensuite le transmettre.

Lucile Bou vannerie Alpes Photographies
©Alpes Photographie

Le côté très nostalgique de cet art ancestral la fascine.

« Les gens ont peut-être vu un grand père faire un panier ou ils en ont hérité d’un qui ne ressemble plus à grand-chose, mais ces paniers ont une histoire et ça crée un rapport affectif. Souvent, les gens d’une cinquantaine d’années viennent me voir en me disant qu’ils ont regardé leur père ou leur grand-père en faire mais qu’ils n’ont pas appris eux-mêmes. Maintenant, ils ont envie d’apprendre la vannerie ».

Stage de vannerie en 1 jour

Un projet simple, comme par exemple une mangeoire pour les oiseaux.

Stage de vannerie en 2 jours

Lucile apprend aux stagiaires à fabriquer leur premier panier rond. Selon elle, c’est une très bonne base parce qu’on rencontre suffisamment d’aspects techniques pour pouvoir ensuite fabriquer des paniers chez soi.

Elle-même se souvient de sa première création :

« Moi, mon premier panier, je l’ai offert à ma mère. Pour moi, c’est le plus beau du monde parce qu’il a une histoire. En fait, c’est ça les paniers – ils ont tous une histoire. Même s’ils sont tout tordus ce n’est pas grave. »

L’automne 2019, Lucile a reçu la distinction d’Artisan d’Art.

En 2020, elle a intégré La Route des Savoir-Faire de l’Oisans. Elle a son atelier à Villar d’Arène et elle vend ses créations dans sa boutique en ligne ainsi que sur les marchés des producteurs de La Grave et de Villar d’Arène en été.

Boutique de la vannerie de la Meije

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